La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé que l’assureur automobile ne peut opposer à la victime d’un accident corporel de la circulation la nullité de son contrat d’assurance. La Cour s’inscrit dans un objectif de protection des victimes d’accidents causés par des véhicules terrestres à moteur.
Influencée par la CJUE, la Cour de cassation vient aussi renforcer cette protection par un arrêt récent du 23 janvier 2025 (Cass 2ème civ, n°23-15.983). Elle se réfère directement à la CJUE et donne une nouvelle illustration de la portée de l’article L. 113-8 du Code des assurances, permettant une meilleure indemnisation des victimes d’accident de la route.
Le cadre juridique et les conditions de la nullité du contrat
Les conséquences sont lourdes à l’égard de l’assuré car si le contrat d’assurance est déclaré nul, il est annulé de façon rétroactive, c’est-à-dire réputé ne jamais avoir existé.
Cette nullité est régie par l’article 113-8 du Code des assurances qui prévoit la nullité du contrat d’assurance « en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre ».
Pour invoquer la nullité d’un contrat d’assurance, 2 conditions cumulatives doivent être remplies :
- L’assuré doit être de mauvaise foi, c’est-à-dire : avoir effectué une fausse déclaration intentionnelle, une omission volontaire ou être réticent à donner des informations ou encore mentir à l’assureur en connaissance de cause sur le risque à assurer, lors de la souscription du contrat ou même en cours de l’exécution, en omettant sciemment de déclarer un changement de situation ;
- Les informations volontairement rendues fausses ou omises doivent avoir une influence soit sur le montant de la prime que la compagnie d’assurance demande au conducteur, soit sur l’acceptation elle-même de cette couverture de la part de l’assureur.
Assurance auto : refus d’indemnisation ? Agissez vite.
Refus d’indemnisation assurance auto : quand la nullité du contrat ne peut pas être opposée à la victime d’accident
Dans l’arrêt du 23 janvier 2025 (Cass 2ème civ, n°23-15.983), il est question d’un accident automobile qui s’est produit le 1er août 2013, impliquant la conductrice, qui a causé de graves blessures à ses enfants mineurs, passagers du véhicule.
Il faut préciser que le véhicule concerné avait été assuré par son époux.
L'assurance a refusé l'indemnisation en soulevant la nullité du contrat d’assurance fondée sur l’article L. 113-8 du Code des assurances, au motif que le souscripteur n’avait pas déclaré son épouse comme conductrice principale secondaire et qu’il avait transmis un relevé d’information sans sinistre qui s’est avéré falsifié.
Dans son arrêt du 22 février 2023, la Cour d’appel d’Agen a retenu la nullité du contrat d’assurance mais l’a jugée inopposable aux passagers victimes.
Elle a estimé que la nullité était opposable au souscripteur du contrat, soit le mari de l’auteur de l’accident automobile, ainsi qu’à la CPAM et au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO).
Le preneur d’assurance, père des enfants mineurs et victime par ricochet, ainsi que le Fonds de garantie et la CPAM forment un pourvoi en cassation.
Cet arrêt pose donc la question : la nullité du contrat peut-elle justifier un refus d’indemnisation en cas d’accident ?
Indemnisation des victimes d’accident : une nullité de contrat ne bloque plus la garantie
La nullité du contrat d’assurance automobile pour fausse déclaration intentionnelle était considérée comme opposable aux victimes jusqu’à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 20 juillet 2017 (CJUE 20 juill. 2017, Fidelidade-Companhia de Seguros, aff. C-287/16).
Ainsi, pour se conformer à la solution de la CJUE, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi PACTE, confirme cette analyse en adoptant un nouvel article L 211-7-1 du Code des assurances disposant que la nullité d’un contrat d’assurance « n’est pas opposable aux victimes ou aux ayants droits des victimes des dommages nés d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ».
Dorénavant, l’intervention du FGAO ne concernera que les hypothèses d’absence d’assurance.
La Cour de cassation s’est alors alignée sur la jurisprudence de la CJUE. Elle a ainsi opéré un revirement de jurisprudence et a considéré que la nullité prévue par l’article L. 113-8 du code des assurances est inopposable aux victimes d’un accident de la route ou à leurs ayants droit (Civ. 2e, 29 août 2019, n° 18-14.768).
La question se posait également de savoir si le preneur d’assureur, à l’origine de la fausse déclaration intentionnelle et passager victime, pouvait se voir opposer la nullité du contrat ?
La CJUE y a répondu dans un arrêt récent dont il faut s’inspirer. En effet, elle indique comment interpréter l’article 3, alinéa 1er et l’article 13 de la directive du 16 septembre 2009. Ainsi, dans sa décision du 19 septembre 2024, Matmut (CJUE, C-236/23), la Cour affirme clairement :
- D’une part, le principe de l’inopposabilité de la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration à la victime d’un accident de la circulation alors même que celle-ci, passagère du véhicule impliqué, serait la souscriptrice du contrat d’assurance et l’auteur de la fausse déclaration intentionnelle ;
- D’autre part, l’impossibilité pour l’assureur, lorsque l’inopposabilité s’applique, d’obtenir le remboursement de la totalité des sommes qu’il a versé au passager qui serait fondé sur la faute intentionnelle commise par ce dernier lors de la conclusion du contrat.
Ce que l’on retient, c’est que même en cas de fausse déclaration intentionnelle, la nullité du contrat d’assurance ne peut plus être utilisée par l’assureur pour refuser l’indemnisation des victimes.
Une avancée majeure qui permet à toute victime de ne pas être privée d’indemnisation à cause d’un litige entre l’assureur et l’assuré.
Indemnisation de la victime par ricochet : la nullité du contrat ne peut pas non plus être opposée
En l’espèce de l’arrêt du 23 janvier 2025, le preneur d’assurance n’était pas une victime directe de l’accident mais une victime par ricochet car ses enfants mineurs ont subi des dommages corporels du fait de l’accident.
Ainsi, dans son arrêt, la Cour de cassation affirme que la victime par ricochet doit être regardée comme une victime directe car il n’y a pas de raison de la traiter différemment.
D’ailleurs l’inopposabilité de la nullité du contrat d’assurance automobile bénéficiera aux victimes par ricochet qu’elles soient ou non souscriptrices du contrat.
L’arrêt étudié donne donc une nouvelle illustration de la portée de l’article L. 113-8 du Code des assurances en la matière en ce que la nullité du contrat d’assurance automobile n’est pas opposable aux victimes d’un accident de la circulation ou à leurs ayants droit », ni « aux victimes par ricochet ».
Assurance auto : Les tiers subrogés (CPAM, FGAO) peuvent aussi être indemnisés malgré la nullité du contrat
La Cour de cassation, dans l’arrêt étudié, retient également que « l’assureur ne peut opposer à la caisse [primaire d’assurance maladie], subrogée dans les droits de la victime, la nullité du contrat d’assurance qu’il ne peut opposer à ces dernières ».
Ainsi, la nullité du contrat d’assurance automobile n’est pas opposable aux tiers subrogés dans les droits de la victime.
Autrement dit, tout acteur public ou privé intervenant pour couvrir les dépenses des victimes doit pouvoir être indemnisé, sans être bloqué par un refus d'indemnisation de l’assurance.
Indemnisation des victimes garantie, mais vigilance sur les litiges en assurance auto
Pour conclure, l’assureur doit rapporter la preuve de la mauvaise foi de l’assuré et du changement de risque sur le fondement de l’article L. 113-8 du Code des assurances, pour annuler un contrat d’assurance.
Toutefois, en assurance automobile obligatoire, même en rapportant ces preuves, l’assureur sera tenu à garantir l’indemnisation des victimes dès lors que le preneur d’assurance pourra se prévaloir de la qualité de victime, victime par ricochet ou encore tiers subrogé dans les droits de la victime.
Cela risque alors d’entraîner une augmentation des primes de la part des compagnies d’assurance, pesant in fine sur les assurés.
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